Mourir et renaître








La journée, quand on est dans le service, on est comme un surfeur sur une vague, on est emporté. Dans l'absence de pensées parasites, dans l'absence de désirs, dans l'absence de l'idée que l'on a de nous, c'est le bonheur simple de la paix. La technique du Saint-Nom révèle ce centre à notre conscience, ce centre où elle peut se ressourcer et s'approfondir. La vie se déroule et nous la contemplons comme un spectateur caché, contemplant le lever du jour.

Dans ma jeunesse j'ai connu des babas-cool, sortes de hippies, de rastas blancs qui fumaient de l'herbe toute la journée. Ils roulaient une vingtaine de « cigarettes » le matin et s'en allaient en ville planer grâce à la marijuana. Ils voyaient la vie comme un jeu et s’émerveillaient de tout. Quand l’effet de l'herbe redescendait, ils allaient s’asseoir sur un banc, dans un jardin public, et refumaient une cigarette d'herbe pour continuer leur ballade.


Dans le service



Une journée de service est un peu comme ça, sauf qu'il n'y a pas d'herbe, juste l'air que l'on respire, un peu d'attention et la conscience du Saint-Nom. Les moments où on s'assied sur un banc pour fumer une nouvelle cigarette c'est, pour un disciple assidu de La Voie, les pauses Saint-Nom, ces moments où il cesse toute activité et où il ferme les yeux pour pratiquer la technique du Saint-Nom plus concentré que dans le service. Une pause Saint-Nom n'a pas besoin de durer longtemps, deux ou trois minutes suffisent pour relancer la machine à bonheur.

Pour parler de moi, je ne pratique pas le Saint-Nom pour être bien, même si j'aime mieux être bien que mal, non ; je pratique le Saint-Nom pour avoir conscience de Sa Grâce, pour vivre sous le regard de Dieu. Je suis trop mal quand je n'ai pas conscience de Sa Grâce. Il me manque l'essentiel. L'existence sans cette conscience me paraît vaine et vouée à la mort. Dans le Saint-Nom je sens Son regard posé sur moi et tout prend un sens, les couleurs se ravivent, l'air se rafraîchit et se remet à circuler, je revis !

Quand j'oublie le Saint-Nom je retombe dans mon identité humaine, dans ma personnalité qui est ce qu'elle est, le monde redevient le monde selon moi, alors la pause Saint-Nom est là pour que le monde redevienne le monde de Dieu et franchement je préfère le monde de Dieu, Sa Création au monde selon José. C'est le détachement que donne la conscience du Saint-Nom ! Le détachement on en parle souvent, « en spiritualité », tellement qu'il est devenu une rengaine spirituelle mais arrêtons-nous un peu sur le détachement : le détachement c'est véritablement la base de la vie spirituelle. Attention, le détachement n'est pas l'indifférence.


Se détacher de soi



Le plus difficile n'est pas de se détacher de ses biens matériels, c'est de se détacher de soi, c'est de cesser de se regarder vivre, d'écouter nos pensées, les avis que l'on a sur les gens, les choses et les événements. On est comme un fumeur accro à la nicotine, on est accro à soi. Celui que l'on croit être soi, on a passé du temps à le construire et le pli est pris. On regarde la vie, on regarde le monde avec les yeux du faux soi, alors ? Comment croyez-vous qu'on le voit, le monde ? Comme il est ou comme on croit qu'il est ? Poser la question c'est y répondre : on voit le monde comme on croit qu'il est.

Nous nous identifions au faux soi et plus on vieillit plus le pli est pris. C'est là tout le problème que rencontrent les gens la plupart du temps. C'est pour ça que Jésus a dit à son ami Nicodème qu'il fallait mourir en esprit au vieil Homme pour renaître, en esprit, au nouvel Homme, au véritable soi. C'est toute la problématique de La Voie, son but ; de permettre à la conscience d'ouvrir les yeux et d'avoir un nouveau regard. J'ai eu de la « chance », car j'ai commencé à pratiquer j'avais dix-neuf ans mais j'imagine que plus on commence tard et plus les mauvaises habitudes sont ancrées.

Il vous est arrivé des soucis, dans cette vie, j'en suis sûr et si vous êtes là aujourd'hui à écouter, à lire ce satsang c'est que vous avez dépassé ces soucis, que vous vous êtes relevés après chacune de vos chutes et vous croyez que c'est vous qui vous êtes relevé, l'ancien soi, le soi que vous croyez être mais c'est faux. Le faux soi vous a fait tomber, c'est le vrai soi qui s'est relevé. Je ne vous invite pas au dédoublement de la personnalité mais à redécouvrir le véritable soi que vous êtes. C'est le propos de La Voie, de la pratique quotidienne de ses trois piliers et de l'observance de l'agya.

C'est la confusion qui vous fait mélanger le faux et le vrai soi. Si vous ne mélangiez pas le faux et le vrai vous ne seriez pas confus. Même dans la plus grande confusion vous êtes aussi le vrai soi...mais vous êtes incapable de faire la différence entre le vrai et le faux. C'est tout le problème. La pratique du Saint-Nom est là pour vous permettre de faire la différence. Si vous avez du mal à pratiquer toute la journée, au moins faites cinq pauses par jour. Chacune de ces pauses sera comme une grosse pierre, dans le lit de la rivière, qui vous permettra de traverser à gué, sans vous mouiller.


La raison et les sentiments



Souvent nous agissons sur le coup d'un sentiment, d'une impression, d'un ressentiment et il est inutile de vous dire ce que ça donne, comme résultats, des actes faits sur le coup de sentiments, d'émotions. D'agir sous le coup de ses sentiments, d'émotions ça ne met jamais personne dans la paix. Si vous aimez être en paix, alors faites en sorte que ce soit votre raison qui agisse. Pour y arriver il faut impérativement prendre du recul sur ses sentiments. Là encore la pratique du Saint-Nom vous aidera. Dans le Saint-Nom il n'y a pas de sentiments, d'émotions, pas plus que de pensées, on n'écoute rien que le Saint-Nom et le Saint-Nom ne nous dit rien.

La question qui se pose maintenant est : « Voulez-vous vraiment mourir au vieil Homme pour renaître au nouveau ? » La réponse est sûrement « Oui et non », car si l'idée d'une renaissance, en Esprit, vous plaît, celle d'une mort, en esprit, ne vous plaît pas du tout. Ce que vous voudriez c'est renaître à la nouvelle personne, qui est en fait l'ancienne, la vraie, celle d'avant la confusion, sans avoir à mourir, même en Esprit. On sait ce que l'on perd, pas ce que l'on trouvera. C'est très immature ça, non ? Vouloir le bon sans avoir à en payer le prix. Seules les âmes mûres acceptent ça. Si vous n'êtes pas encore assez mûr, vous le deviendrez avec le temps.