Rester entier








La novice



C'est l'histoire d'une femme qui décide d'offrir sa vie à Dieu et qui se dit que le meilleur moyen de le faire c'est de devenir moniale (Bonne sœur). Elle va dans une abbaye et demande à y vivre. Elle y est reçue comme novice et son cœur est plein de bonheur. Elle vit la vie de nonne, fait ses prières, accomplit les tâches qu'on lui confie, lit des livres sur la vie des saints et sa soif de se donner est satisfaite. Spirituellement elle est heureuse et ne regrette pas sa décision.

Au fur et à mesure que le temps passe, cette femme devient nerveuse, frustrée, mal à l'aise et pourtant sa vie au monastère continue de lui plaire mais quelque chose en elle se met à tourner mal. Elle a l'impression d'être incomprise, traitée sans compréhension par les autres moniales, de subir une injustice. Elle en conçoit de l'incompréhension et de la rancœur.

Pourtant sa communion avec Le Seigneur s'approfondit de jour en jour en même temps que son mal-être mental. C'est étrange, sa béatitude augmente en même temps que son mal-être mental. Plus elle se rapproche de Dieu, à l'intérieur de son cœur, et plus elle s'éloigne de la communauté des sœurs de cette abbaye. Elle finit par devoir quitter cet endroit et par revenir à une vie laïque où elle retrouve le bonheur, son mental ne la faisant plus souffrir. Son âme continue son histoire d'amour avec son créateur. Elle n'a plus de rancune et se trouve libérée d'un poids qu'elle ne comprenait pas.


La cause de sa souffrance



Je sais ce qui est arrivé à cette femme dévote, je connais la raison de ce qu'elle a vécu. Elle ressentait un grand bonheur avec son créateur et son existence, dans cette maison de Dieu, se faisait de plus en plus lourde. Il y a quelque chose qui souvent n'est pas bien assimilé chez les pratiquants sincères de La Voie, c'est la notion de « Mourir en esprit » à la vieille personne pour « Renaître, en esprit » à la nouvelle afin d'entrer au Royaume. C'est ce que le Christ a dit à Nicodème ! « En vérité, en vérité je te le dis, si un homme ne naît de nouveau il ne peut voir le Royaume de Dieu » . Alors que Nicodème, étonné, lui demanda : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître ? », Jésus répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît dans l'esprit il ne peut entrer dans le Royaume. Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l'Esprit est Esprit. Ne t'étonne pas que je t'aie dit il faut que vous naissiez de nouveau ». (Jean 3/3-4-5-6-7-8)

Il faut bien comprendre quelque chose : c'est sûr qu'il faut mourir à la vieille personne pour renaître à la nouvelle mais ce n'est pas à vous de la tuer, cette vieille personne ! Vous n'êtes pas chargé de le faire. Tuer la vieille personne, ce n'est pas du « Non-agir » ! Pourtant vous le savez à quel point le non-agir est essentiel en spiritualité. C'est quoi la vieille personne qui doit mourir ? Croyez-vous réellement avoir le discernement suffisant pour faire le tri entre ce qui doit mourir et ce qui doit rester, entre ce qui appartient à la vieille personne et ce qui appartient à la nouvelle ? Croyez-vous être capable de tuer la vieille personne ? Comment ?


Petit à petit



Il n'est pas question de ça et de toute façon il ne s'agit pas d'une mort brutale, vous ne passerez pas de la vieille personne à la nouvelle brutalement, sauf nirvikalpa-samadhi (L'extase la plus profonde). Ce n'est pas à vous de le faire ! C'est étrange, parce que vous voudriez faire ce que le Christ a demandé mais vous ne discernez pas encore ce qu'est cette vieille personne et qu'est-ce qui doit rester et partir, mourir et renaître. Comment, en ce cas, voudriez-vous tuer la vieille personne ? Bien sûr, vous avez des idées, des concepts, une compréhension mais êtes-vous sûr de la vérité de vos idées  ? Êtes-vous capable de jouer votre salut sur ces idées? Vous oubliez une chose, c'est que ce n'est pas à vous de tuer la vieille personne, vous ne pouvez pas en être le tueur.

La seule chose que vous pouvez faire c'est de pratiquer les trois piliers, d'observer l'agya, de vous tourner vers le Saint-Nom et Sa Grâce pour qu'il s'en charge. Remettez-vous-en à Dieu. C'est grâce à cette démarche que petit à petit la vieille personne que vous croyez être s'éteindra, remplacée, petit à petit, par la vraie personne que vous êtes. Cette transformation se fait sans doute sur plusieurs vies et, dans cette vie, dure toute la vie. C'est le but de La Voie. C'est le Saint-Nom qui opère en vous, à chaque fois que vous vous en remettez à lui (Pratique de la technique).

Devez-vous vous donner à Dieu de toute votre âme, en laissant le mental de côté ? Non, vous ne pouvez pas vous donner à Dieu sans que le mental soit de la partie, sans qu'il l'accepte, sans qu'il participe. C'est ce problème que notre femme novice a eu : son âme aspirait à la vie monastique tandis que son mental voulait s'épanouir. Elle n'a pas écouté son mental, désireuse de mourir à la vieille personne et en négligeant son mental elle pensait tuer la vieille personne.

Mais votre mental, votre intelligence, votre personnalité c'est vous ! C'est vous avec l'âme et le corps, durant cette incarnation. Si vous voulez vous donner à Dieu, donnez-vous à lui en entier, pas qu'une seule partie de vous. Il s'agit de faire accepter au mental le bonheur de la Grâce. C'est ça qui prend du temps. Cette femme était coupée en deux et c'est pourquoi elle souffrait. Elle s'est niée, sous prétexte de se donner, de laisser mourir la vieille personne. Mais le mental ne doit pas être tué, ce n'est pas lui la vieille personne. C'est la Grâce qui effacera petit à petit les attachements, les concepts, les idées contenues dans le mental et la renaissance de la nouvelle personne se fera ainsi et cette nouvelle personne aura aussi un mental et ce sera le même, mais refait à neuf !

Le mental de cette femme avait besoin d'être bien traité, que l'on tienne compte de lui, et elle l'étouffait pour le tuer, le prenant pour la vieille personne, c'est ainsi qu'il se débattait et qu'elle souffrait. Plus son âme s'élevait vers Dieu, contre son mental, et plus son mental souffrait. En quittant le monastère elle a donné au mental ce dont il avait besoin. Ainsi elle peut continuer à se donner à Dieu mais toute entière : son âme, son mental et son corps. On va à Dieu en entier.